La population haïtienne s’était réveillée ce samedi 26 août 2023 sans presqu’aucune mauvaise nouvelle malgré l’insécurité grandissante qui fait ravage au sud de Port-au-Prince actuellement, et soudain une tragédie vient bouleverser le territoire suite une marche contre les bandits du pasteur de l’Église Évangélique Piscine de Bethesda, Marcorel Zidor, tourna en bain de sang.
Au nord de Port-au-Prince, pas moins d’une dizaine de personnes ont été tuées par le gang de Canaan dirigé par Jeff, toutes sont des fidèles chrétiens et chrétiennes apparemment. Elles ont été exécutées de la plus tragique des manières alors qu’elles tentaient de sauver leur peau sous les coups de feu d’armes automatiques des sanguinaires.
Depuis quelques semaines, Marcorel Zidor alias pasteur Marco s’était lancé dans une véritable guerre de dénonciation des quelques chefs de gangs qui contrôlent le département de l’Ouest et ses environs, et dans la foulée Vitelhomme Innocent, qui occupe la commune de Tabarre et une partie de Croix-des-Bouquets, de Delmas, de Pétion-Ville et de Kenscoff, et Jeff à Canaan, ont été en tête de liste.
Le leader évangélique avait promis dans plusieurs de ses prédications d’attaquer ces derniers afin de les mettre hors d’état de nuire. Rappelons que son assemblée est située à Caradeux, Tabarre, une zone aussi placée sous l’influence des bandits de Vitelhomme. Et de la parole aux actes, des milliers de personnes ont accompagné le pasteur aujourd’hui pour aller attaquer les gangsters de Jeff, ce qui allait être le début d’une histoire sombre pour Haïti.
Un quartier maudit autrefois Canaan
Depuis après le séisme du 12 janvier 2010 qui avait causé la mort de plus centaines de milliers d’Haïtiens et étrangers, Canaan a été le territoire de refuge de plusieurs milliers de victimes sinistrés d’où son nom biblique « Canaan » qui, dans le récit biblique, désigne la terre promise aux Hébreux, par Dieu à Abraham. Même si quelque temps après l’État haïtien allait s’opposer à la construction d’une nouvelle cité dans la capitale, Canaan s’est vue structurer avec le temps, accueillant des déplacés de Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, Delmas, Tabarre et Pétion-Ville qui étaient en quête de paix ou qui n’avaient pas les moyens nécessaires pour s’octroyer une demeure.
Malgré ses terres arides et son soleil, Canaan n’était pas encore affecté par le gangstérisme. La vente de terrain était monnaie courante, chacun espérait entrer en possession de quelques centièmes pour des sommes modiques.
Tout a commencé en 2017 avec la division du territoire en plusieurs clans. Des jeunes regroupés au sein de cette banlieue continuent la guerre des gangs qui faisaient rage particulièrement dans la commune de Cité Soleil et à Simon Pelé (Delmas). Munis de quelques armes, ils contrôlent leur district sous les ordres respectifs du chef de gang (assassiné) Ti Hougan à Brooklyn, de Ti Gabriel du gang adverse, ainsi que d’autres bandits en renfort, notamment en provenance de Meyer, à Croix-des-Bouquets.
Ceux-ci s’affrontent pour prendre le contrôle de plus de territoire. Dès lors, les affrontements qui ont causé de nombreux morts et blessés, particulièrement à Cité Soleil et à Simon Pelé, ont continué dans une nouvelle zone, Canaan. Et, depuis lors, rien ne s’est amélioré.
À présent, ce bidonville, qui abritait autrefois plus de 300 000 personnes, est déserté presque de tous ses occupants. Des hommes lourdement armés, renforcés par le gang « 5 Segond » dirigé par Johnson André alias Izo à Martissant (au sud de Port-au-Prince), règnent en maître.
Plusieurs cas d’assassinat, de tuerie de masse, de kidnapping, de viol et surtout de détournement de véhicules ont été recensés dans ce repère de cannibales. Ils défient les forces de l’ordre à longueur de journée, et à plusieurs reprises, la Police Nationale d’Haïti (PNH) a essuyé des échecs sur la route nationale #3 menant au grand Nord. Des policiers ont même laissé leur peau lors d’attaques surprises, et au moins 3 véhicules blindés de l’institution policière sont partis en fumée dans des attentats menés par ses malfrats.
Marco, le pasteur qui voulait défier des bandits par la foi
Accompagné d’une centaine de civils majoritairement des fidèles de son assemblée, Marco a emprunté les rues de la capitale depuis Caradeux pour se rendre à Canaan. Ferme dans ses convictions, il voulait démanteler Jeff et ses pairs comme il l’avait promis à maintes reprises lors de ses services évangéliques, mais au nom de qui ? Dieu !
Tel un conquérant, le berger s’est rendu ce 26 août 2023 avec ses brebis dans la tanière des loups de Canaan sans pour autant savoir si un tel acte allait causer de nombreux dégâts : près d’une dizaine de personnes tuées, plusieurs blessés, mais aussi des fidèles séquestrés par les délinquants.
Tôt ce matin, sa manifestation avait conquis la Une des médias locaux. Et malheureusement, l’homme de Dieu est passé rapidement de héros à zéro suite à l’exécution de plusieurs de ses sympathisants sur le terrain. Auparavant applaudi pour sa détermination et sa bravoure, Marco est à présent la cible des plus sévères critiques et injures. Certains appellent même à son arrestation.
Si des informations rapportent que le no 1 de l’Église Évangélique Piscine de Bethesda serait sorti blessé par balles suite à sa tentative de prendre le contrôle de Canaan. Ce qui reste certain, c’est que plusieurs de ces fidèles sont à présent prisonniers de Jeff.
Sur les réseaux sociaux,, particulièrement Facebook, TikTok et YouTube, des contenus amateurs ont été publiés par les auteurs de la barbarie. Les criminels se filmaient en train de tirer à hauteur d’homme sur des personnes qui tentaient de prendre la fuite dans une zone qui ne leur est pas familière.
Aussi, des vidéos de cadavres ont été postées sur plusieurs plateformes par les membres du gang. Entre injures et totale satisfaction, les énergumènes ouvraient pleinement le feu sur ses chrétiens sans défense.
En début de journée, une présence policière était constatée aux côtés du pasteur Marco et ses fidèles, mais malheureusement celle-ci n’a pas suffi pour préserver certains d’entre eux de cette mort forcée et absurde.
Jeff pour sa part continue ses séances d’interrogation, a-t-on appris d’une source. Questionnant un à un ses otages sur leur réelle motivation d’avoir suivi le leader chrétien. Toutefois, le chef de gang avait promis plus tôt de relâcher ceux-ci, dans l’espérance qu’il tienne promesse.
En rappel, depuis plusieurs jours, la population haïtienne peine à respirer une odeur de paix en raison de l’intensification des attaques de gangs armés dans plusieurs quartiers de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, dont Carrefour-feuilles, Solino, Cité Soleil, et dans plusieurs coins de Croix-des-Bouquets, de Tabarre et de Pétion-Ville.
Actuellement, des milliers de personnes dorment dans les rues ou dans des abris provisoires, sans presqu’aucun soutien venant de l’État haïtien. Pas même les forces de l’ordre ont été dépêchés pour reprendre pleinement le contrôle de la situation dans ces « zones perdues » comme l’avait qualifié la Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), Emmelie Prophète Milcé en mars dernier suite aux diverses défaites policières à Martissant notamment.
Dotée d’une force policière et en apparence d’une force militaire, Haïti ne peut jusqu’à présent se défendre contre l’ennemi : ses fils et filles approvisionnés en armes et en munitions de politiciens et hommes d’affaires, dont certains sont sanctionnés par les États-Unis, le Canada et la République Dominicaine… .
Le bouclier de protection est inefficace, les bandits sont mieux équipés que les forces légales du territoire, ce malgré le contrôle strict sur les armes imposé au territoire.
Jusqu’à présent, rien ne peut stopper le banditisme qui ronge Port-au-Prince et les provinces, pas même la foi d’un pasteur réputé pour ses scènes de miracles à répétitions.
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