Dans un rapport de 158 pages, le groupe d’experts créé par la résolution 2653 (2022) du Conseil de sécurité des Nations unies, ont indexées plusieurs personnalités ayant des liens étroits avec des groupes de gangs armés et sont passibles de graves sanctions.
«L’influence des politiciens et des acteurs financiers sur les activités des gangs est de nature systémique. Les politiciens et les élites économiques qui souhaitent obtenir des votes ou protéger leurs biens paient généralement les gangs en nature ou en espèce, une pratique qui a progressivement enrichi les gangs et leur a donné plus de pouvoir» expliquent les experts de l’ONU.
Ainsi, dans la rubrique « financement des gangs et liens entre les acteurs politiques et économiques et les gangs », le groupe d’expert dit avoir des preuves selon lesquelles Reynold Deeb, Directeur général du Groupe Deka, un important importateur de biens de consommation, qui fait l’objet de sanctions par un État membre, finance des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer le transport des marchandises qu’il importe.
« En 2017, M. Deeb a payé un chef de gang afin de pouvoir mener ses activités dans l’un des principaux ports. Plus récemment, d’après plusieurs sources indépendantes, M. Deeb a utilisé des membres de gangs pour faire pression sur certains douaniers du port afin que ses conteneurs ne soient ni inspectés ni interceptés, ce qui lui a permis d’éviter certains droits d’importation. Enfin, comme le G9 contrôle la zone autour du port de l’Autorité portuaire nationale et les routes qui y mènent, M. Deeb, comme d’autres grands importateurs, paie les gangs pour que sa marchandise passe par leur territoire», écrit l’ONU.
L’ex président Michel Martelly, 2011 à 2016, quant à lui, s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique, contribuant ainsi à un héritage d’insécurité dont les effets se font encore sentir. « Aujourd’hui, le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, M. Martelly a financé plusieurs gangs, tels que “Baz 257”, qu’il a créé selon des informations, Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine, notamment en leur fournissant des fonds ou des armes à feu».
« Martelly est également passé par des intermédiaires, notamment des fondations ou des membres de sa garde rapprochée, pour établir des relations et négocier avec d’autres gangs. Ainsi, Arnel Joseph, l’ancien chef du gang de Village de Dieu, a déclaré qu’il s’entretenait régulièrement avec un intermédiaire travaillant dans l’unité de protection rapprochée de M. Martelly, ajoutant que cet intermédiaire lui donnait des armes à feu et d’importantes sommes d’argent. Dans une vidéo, Ti Lapli, l’un des chefs actuels de Grand Ravine, explique que l’ancien Président a remis à Tet Kale (ancien chef de Grand Ravine) un fusil Galil 5,56 mm appartenant à la police et un fusil de même type à Chrisla, chef du gang Ti Bois. Après la mort de Tèt Kale, Ti Lapli a récupéré l’arme», lit-on dans la page 21 du rapport de l’ONU
En ce qui concerne Youri Latortue, originaire des Gonaïves, ancien Président du Sénat de 2017 à 2018. Il exerce un contrôle considérable sur la vie politique et économique du département de l’Artibonite, notamment par le recours à des gangs, comme Raboteau, qu’il finance et arme. Plus récemment, des sources confidentielles ont dit au Groupe d’experts que M. Latortue avait également financé le gang Kokorat Sans Ras, un groupe extrêmement violent du département de l’Artibonite, en collusion avec Raboteau. M. Latortue a eu recours à des gangs pour assurer sa protection rapprochée.
Normalement, plusieurs autres personnalités politiques et économiques ont été citées dans ce rapport grâce à leurs connivences avec des gangs armés dans le pays. La liste des sanctions qui devrait être publiée au cours du mois de novembre 2023 comprendra des personnes de toutes les couches sociales du pays.
2 ex-présidents, 3 anciens Premier ministres, des anciens et actuels ministres, des hommes et femmes du secteur privé des affaires, des responsables politiques, a fait savoir un contact à Radio Télé Metronome.
Certainement, ces sanctions seront suivies de l’arrestation des personnes visées. « Le Comité de sanctions de #ONU qui a été créé par la résolution 2653, demande à ce que des mesures soient prises pour procéder à l’arrestation des personnes visées par les sanctions onusiennes. Un représentant de l’INTERPOL a été consulté à la demande du Comité pour établir un accord de coopération concernant la publication des notices spéciales», avons-nous appris.
Wallace Elie