Le 15 octobre 2022 est une date qui restera longtemps gravée dans la mémoire du monde musical, particulièrement haïtien. La mort a bousculé puis jeté par terre Michaël Benjamin suite à une malaise cardiaque lors du concert de réconciliation du groupe CaRiMi à l’Accor Arena, à Paris, France, après 6 ans d’écart.
Le départ prématuré du quarantenaire loin de sa terre natale hante encore des esprits en Haïti et dans le reste du monde. Malheureusement, Mikaben s’est envolé éternellement sans voir ses rêves se réaliser pour le monde, et particulièrement pour Haïti. Des rêves qu’il avait tant exprimés en chanson qu’en action.
Si m te gen zèl
Tankou yon zwazo, m ta vole
Al keyi zetwal nan syèl
Si m te lapli
Mwen ta jete dlo pou m wouze
Fè pouse anba solèy
Si m te lajwa
M ta antre nan kè tout malere
Pou yo kapab jwenn lespwa
Si m te lanmou
M ta met ajenou
Devan Bondye
Pou lèzòm kapab sispann goumen
Yo ta renmen
: un extrait de “Si m te gen zèl ” de Michael Benjamin, sorti en 2004, montrant la grandiosité de son imagination jusqu’à vouloir atteindre les nuages, les étoiles pour changer le monde.
À travers cette chanson, il expliquait sa volonté d’accomplir certains exploits dignes d’un récit d’Hercule tel qu’avoir des ailes pour pouvoir s’envoler comme un oiseau, cueillir des étoiles, être la pluie pour pouvoir arroser les fleurs, être la joie, l’amour pour pouvoir empêcher les hommes de s’entre-tuer…
Des pouvoirs que Mikaben avait quand même eu grâce à sa voix, car il emmenait ses consommateurs là où il le voulait, ne pouvant toutefois les changer.
Au diable, Mikaben est parti laissant le monde dans la guerre. Et son pays, Haïti, gît toujours dans la misère, l’insécurité et la famine, malgré ses souhaits de changer l’humanité coriace.
Plusieurs sources affirment même qu’« alors qu’il était en France pour participer à ce qui allait être son dernier événement, Mikaben était stressé suite à l’enlèvement en Haïti d’un membre de sa famille, Frédéric Dupoux ». Le chanteur n’était pas à son comble, mais malgré cela il voulait être présent pour les 20 ans de CARIMI à Paris.
Un compositeur né pour guérir les cœurs brisés
Né le 27 juin 1981 à Port-au-Prince, Michael Benjamin a suivi les traces de son père Lionel Benjamin avec la passion de chanter, de composer.
Ou pati, Nwèl Tristès, Lèm we w, Abdenwèl, Ayiti se, N ap kite l pou yo, Ayibobo, Marry me, Fè lapli, sont un aléatoire de titres musicaux qui ont forgé la réputation de l’artiste à travers le temps, la plupart avec la collaboration d’autres artistes. Mais sa carrière a vu le jour dans la fin des années 90 suite à sa participation dans un concours de chant organisé par Telemax à l’occasion de la fête de Noël.
Puis Mikaben se fait connaître dès 2005 à la tête du groupe compas Krezi Mizik avant de signer chez Warner Music France en 2016 avec le titre Ti pam nan, ainsi que pour la distribution de quatre albums complets. Mais bien avant cet élan, il avait rencontré sur son parcours l’artiste américain Black Dada et ont pondu en 2009 “N ap kite l pou yo”, un succès phénoménal auprès de la communauté haïtiano-américaine.
Dans les détails, la sortie de son quatrième album solo MKBN en mai 2018 l’a propulsé plus loin dans ses collaborations. Elephant man, Kevin Little, Eud, JPerry, Richard Cavé, Mikaël Guirand, Carlo Vieux, Bélo, Paul Beaubrun, Kenny, sont les quelques artistes qui ont partagé le parcours de Mika.
Michael Benjamin, un nationaliste pas comme les autres
Outre la musique et sa famille, il aimait plus que tout Haïti. Même une fois, qui n’a jamais vu Mikaben avec le drapeau de son pays en sa possession ?
L’artiste s’impliquait pleinement dans des œuvres de charité à travers sa fondation “Ti Souf”, un nom qui découle d’une collaboration entre plusieurs artistes haïtiens à l’initiative de Mikaben avec le morceau “Yon Ti souf pou Ayiti”, sorti en 2010, quelques temps après le séisme du 12 janvier. Aider les plus démunis était devenu son obsession.
Outre, sur des terres étrangères de l’Amérique, particulièrement dans les Antilles, aux États-Unis, au Canada, en Europe avec la France, la Belgique, entre autres, Michael Benjamin hissait le bicolore haïtien aussi haut que possible avec ses succulentes prestations.
Et, Haïti a été au plus profond de son cœur jusqu’à son dernier souffle sur la scène de l’Accor Arena, à Paris. Mikaben est passé de vie à trépas avec le drapeau haïtien autour du cou. Il a gardé son pays avec lui jusqu’au point de non-retour.
« Mika n’est pas mort ! »
Suite à la tragédie, plusieurs voix se sont levées partout à travers le monde pour souhaiter un bon voyage au musicien, bien que triste et difficile. L’atmosphère est sombre, désuet : « yon potorik gason tonbe ! »
Malgré que des extraits amateurs prouvent que Mikaben s’est réellement envolé pour l’au-delà, certains ne veulent toujours pas croire à sa mort. « C’est impossible, Mikaben pata fè nou sa. Li pa mouri vre », lancent quelques personnes.
Sur les réseaux sociaux des supporters, parmi d’autres, apportent leurs sympathies à la famille de l’artiste décédé à 41 ans.
“Malgré tout Mika était fière d’être haïtien il est mort avec tout son amour pour son drapeau. R I P Mika tu es une légende pour tous les Haïtiens” : Shelove Joseph
“Ayiti cheri pu jan mw renmen’w
Mw Vin depoze ti kè mw nan men’w
Ayiti cheri pu jan m’adore’w
Pa gen anyen kap jan’m fè mw kite” : Sondy Sondy
“Poukisa lanmò ka retire yon moun nan lavi epi lavi pa chwazi libere moun lanmò anchene poukisa lavi pa pran pouvwa lanmò genyen an poukisa lanmò pa janm pèdi, se lavi ki toujou pèdi.
Hmmmm Mika bon travèse vye frè m pèp Haïtien pa p janm bliye w” : Wood Mitilien
Des institutions publiques et privées se sont aussi exprimées sur le drame de l’Accor Arena.
“Haïti vient de perdre aujourd’hui un de ses plus fervents ambassadeurs, notre artiste international Mikaben ce 16 octobre 2022 à Paris.
Au nom du secteur touristique, nous présentons nos plus profondes sympathies à sa famille, ses amis et ses fans attristés par ce deuil.” : le ministère du Tourisme à travers un tweet, hier dimanche. Plus tôt, le Premier ministre Ariel Henry avait salué avec regret le départ du chanteur.
Rappelons qu’en plus d’être père de famille, Michael Benjamin attendait pour décembre prochain un autre enfant de sa femme Vanessa Fanfan, à qui il avait dit le grand Oui en novembre 2020 dernier. Mais Michael Benjamin est mort sous les yeux de milliers de spectateurs, y compris de sa moitié.
« Merci pour vos prières mais, s’il vous plaît, arrêtez de m’appeler. Je ne suis pas du tout en état de parler. Je viens de perdre mon autre moitié et je n’ai plus les mots », avait écrit Vanessa sur Instagram après la mort de son mari.
Force et courage à elle durant cette période inqualifiable !
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