La ministre de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP), Emmelie Prophète Milcé, dans un entretien accordé au quotidien français « Le Point », s’est encore prononcée sur la détérioration de la situation socio-sécuritaire du pays, accusant sans frein les États-Unis d’être le responsable de la prolifération des foyers de gangs en Haïti. Selon elle, les armes qui envahissent le territoire et qui contribuent largement dans la propagation de l’insécurité sont de fabrication américaine.
La titulaire du MJSP n’est pas allée par quatre chemins, hier jeudi 07 septembre 2023, pour pointer du doigt l’implication de l’Oncle Sam dans l’insécurité en Haïti. Aussi, a-t-elle fait savoir qu’en raison de l’intensification de l’insécurité Haïti fait face à des « guérillas urbaines ».
« Les armes viennent des États-Unis et envahissent le marché caribéen. Le sujet est récurrent dans les réunions de la Communauté caribéenne (CARICOM).»
Elle explique que les gangs sont parvenus à prendre le contrôle de 80% du territoire parce qu’ils sont très armés.
« Ils pillent, violent, volent. Haïti fait face à une grave crise politique depuis 2018 qui s’est aggravée avec l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021. Le gouvernement actuel n’a pas créé cette situation. Il essaie de réparer des dégâts qui ont été causés par le radicalisme des uns et des autres, radicalisme qui persiste d’ailleurs et se manifeste par un refus de s’asseoir autour de la même table pour trouver une solution à la crise. En Haïti, hélas, nous pouvons tout détruire, ensemble en un jour ; mais ensemble nous ne réussissons à rien construire. Depuis 1804, quand l’armée indigène a chassé l’Armée française, nous ne nous sommes plus mis ensemble pour faire d’autres conquêtes.»
Face à un tel désastre la Police Nationale d’Haïti (PNH) ne peut donner une réponse proportionnelle en raison de ses faibles moyens, et quand elle a été formée il y’a 28 ans de cela, l’institution policière ne s’attendait pas à de tels débordements, a laissé entendre la no 1 du MJSP, ajoutant aussi que les programmes humanitaires des États-Unis, dont de l’administration Biden, ont porté un coup énorme à l’institution avec la perte de 15% de son personnel.
Mme. Milcé informe à « Le Point » que le gouvernement avait vu venir le problème et demandé, en octobre dernier, une aide pour la police, d’où l’intervention d’une « force étrangère ». Cette aide permettrait à la police de se professionnaliser pour devenir le corps approprié aux nouvelles formes de criminalité.
L’auteure des « Villages de Dieu » a par ailleurs évoqué les porosités entre les policiers et les gangs. Et il s’avère que cela fait partie des problèmes majeurs confrontés par la PNH, toutefois, elle informe qu’il y a beaucoup d’efforts qui ont été faits pour contrôler l’arrivée d’armes et de munitions sur le territoire, notamment au niveau de la douane de Port-au-Prince.
La ministre de la Justice, concernant l’armée d’Haïti, détaille qu’elle été démobilisée après le retour du président Aristide, en 1994, étant notamment responsable de plusieurs coups d’État et accusée de violation de droits humains. Le président Michel Martelly, en 2011, a lancé l’idée d’une remobilisation. Il a été descendu en flammes. Le président Jovenel Moise, malgré une opposition farouche des uns et des autres, a quand même remobilisé le corps, qui n’est jusqu’ici qu’un embryon.
« L’armée ne dispose ni d’armes ni de matériel. Dieu seul sait que nous aurions voulu qu’elle soit opérationnelle ! La police, elle, depuis son existence, n’a jamais disposé d’autant de moyens qu’aujourd’hui. Elle a eu 18 gros véhicules blindés ces 9 derniers mois, 30 véhicules blindés légers, 40 véhicules de patrouilles offerts par les États-Unis, 500 armes automatiques. »
Facebook Comments