Il était 2 heures 05 du matin en Haïti lorsque la Radio France Internationale-RFI annonce la nouvelle qui a circulé avant l’aube comme une trainée de poudre sur twitter : L’Haïtienne Gaëlle Bien-Aimé, lauréate du prix RFI Théâtre 2022 pour « Port-au-Prince et sa douce nuit» . Le prix sera décerné, ce dimanche 25 septembre, au Festival des Francophonies, à Limoges.
Le Prix RFI Théâtre est une récompense remise par RFI chaque année, à un auteur francophone d’Afrique, d’Océan Indien, des Caraïbes du Proche ou Moyen-Orient depuis sa création en 2014. Il se donne pour mission de valoriser les œuvres dramatiques des auteurs francophones et cette année le prix revient à notre Gaëlle Bien-Aimé.
Port-au-Prince et sa Douce Nuit, est une histoire d’amour. Tout se passe dans les corps et les yeux de deux personnages fatigués qui traversent la ville dans un souvenir clair. Le temps est dilué. Dehors, il n’y a ni lumière, ni lune, ni feux de signalisation. Dans cette pièce, le couple garde la bougie allumée. Comment s’aimer dans une ville qui s’effondre ? Comment peut-on aimer sa ville et pourtant être obligé d’envisager de la quitter pour ne pas mourir ? Cette interminable soirée commence par un baiser, un poème angoissant qui passe à travers les fenêtres de cette pièce puis recouvre toute la ville d’une sombre douceur.
Interviewée par RFI, L’actrice Gaëlle Bien-Aimé déclare qu’elle écrit pour que les gens qui ne sont pas au pays ou qui ne connaissent pas Haïti comprennent ce qui s’y passe.
“C’est important pour moi. Car il y a un silence total des médias autour de ce qui se passe en Haïti. Depuis deux semaines, toutes les rues sont bloquées, depuis deux semaines, les gens sont bloqués chez eux. Moi, j’écris pour que les gens comprennent et se parlent dans ce pays. Je ne sais pas si cela va nous aider à quelque chose, mais nous sommes très isolés. On crève seul ! Et je me suis dit que cela pourrait peut-être aider un peu à ouvrir une fenêtre sur l’île. » A-t-elle poursuivie
Port-au-Prince et sa douce nuit
Pour elle ; La nuit signifie cette absence de lumière et d’espoir. On ne sait pas ce qui va se passer. On ne voit pas la lumière. On ne voit pas le changement. C’est très métaphorique, la douce nuit, c’est la douce descente en enfer pour tous les Haïtiens, depuis pas mal de temps, avec toutes ces mobilisations populaires, la violence exercée par l’État sur la population. Là, il y a vraiment une grande corde raide. À mon avis, il y aura une grande vague migratoire. Cette longue nuit est la nuit des incertitudes. On ne sait pas ce qu’on va faire. » Explique-t-elle
Le jury de cette dernière édition était présidé par Odile Sankara et composé de : Laëtitia Ajanohun (autrice), Ronan Chéneau (écrivain et directeur artistique du Festival de la langue française au CDN de Normandie-Rouen), Sabine Chevallier ( (directrice des Editions Espaces 34), Corinne Loisel (directrice de la Maison des écritures à la scène), Caroline Marcilhac, (directrice de Théâtre Ouvert), Gaëlle Massicot Bitty (directrice de l’Association française de l’art de la scène). Académie de musique et des arts du spectacle), Muriel Maalouf (journaliste RFI), Leyla Rabih (traductrice et réalisatrice), Christophe Rauck (metteur en scène, directeur du théâtre Nanterre-Amandiers), Khalid Tamer (directeur du Lavoir Moderne Parisien directeur du théâtre, directeur et initiateur de la Capitale de la culture africaine), Mathieu Touzé (metteur en scène, directeur du théâtre 14).
» Port-au-Prince et sa douce nuit » sera diffusé au Festival d’Avignon en juillet 2023 en ouverture de la 11e édition des lectures « Ça va, ça va le monde ! » organisée par RFI.
Née en 1987 à Port-au-Prince. Gaëlle Bien-Aimé est journaliste, comédienne, humoriste, professeure de corps et de voix à Acte, école de formation d’acteurs (trices) et d’animateurs (trices). Elle est également activiste politique et membre de l’organisation féministe « Nègès Mawon ». Elle fonde la troupe « Corps et âme » qui, en octobre 2014, a fêté ses dix années d’existence. Après ses études classiques en 2006, elle intègre « Le Petit Conservatoire, école de théâtre et des arts de la parole en Haïti » où elle passe trois ans à étudier les arts de la scène. En 2010 elle a commencé à suivre des stages en Ethnodrame « Théâtre et Rituel » à l’ESACT, école supérieure d’acteur de cinéma et de théâtre à Liège en Belgique. En novembre 2015, elle prend une formation intensive en humour à l’école nationale de l’humour à Montréal au Canada.
Pour rappel le prix RFI Théâtre 2021 a été décerné à Jean d’Amerique, Poète, dramaturge, pour son texte “Opera Poussière”.
Facebook Comments