Exister, s’épanouir et évoluer dans la biodiversité, tels sont les droits juridiques accordés aux animaux sauvages par la cour constitutionnelle de l’Equateur, qui devient le premier pays à reconnaître des droits juridiques distincts à des animaux.
Après avoir accordé des droits juridiques à l’environnement en 2008, l’équateur s’est penché sur les animaux sauvages. Avec 7 voix pour et 2 contre, cette décision de justice, reconnaissant des droits constitutionnels à des animaux sauvages, a été rendue en février dernier. Elle constitue une interprétation historique des lois constitutionnelles du pays relatives aux droits de la nature.
Plusieurs pays comme la Nouvelle Zélande ou encore le Canada disposent de droits pour l’environnement dans leurs textes juridiques, où ils accordent aux animaux sauvages certaines protections. Toutefois, aucun pays à part maintenant l’Equateur, ne leur a consacré de droits d’un degré constitutionnel. Selon Hugo Echeverría, avocat équatorien spécialiste de l’environnement, cette décision permet aux animaux d’être considérés comme des détenteurs de droits en tant que partie de la nature.
L’arrêt de la cour constitutionnelle précise néanmoins que ces droits d’exister, de s’épanouir et d’évoluer s’inscrivent dans le contexte des processus écologiques comme la prédation, et n’assimilent pas les animaux à des êtres humains, mais leur accordent cependant, le droit d’être libres dans le contexte des interactions espèces.
En d’autres termes, cela signifie que la chasse, la pêche, la cueillette et la sylviculture restent autorisées tant qu’elles sont pratiquées dans le cadre d’autres lois préexistantes (protégeant les animaux menacés par exemple), et qu’elles sont menées de manière à limiter la souffrance.
La chercheuse Kristen Stilt explique que cette inscription juridique du droit animal est historique et témoigne d’une tendance de fond. Selon elle, une prise de conscience commence à se produire et brise les silos du droit animalier et du droit environnemental, ce qui est un élément important du développement.
Cette décision de la Cour constitutionnelle équatorienne survient suite à une histoire tragique, celle d’Estrellita, une femelle singe laineux illégalement capturée dans la nature, et adoptée par une bibliothécaire, Ana Beatriz Burbano Proaño à l’âge d’un mois. Elle a vécu avec Ana Beatriz et sa famille pendant 18 ans, et a appris à communiquer avec eux par des gestes et des sons et a acquis les coutumes de la famille.
Estrellita a été saisie par les autorités locales et a subi un arrêt cardiaque soudain un mois après avoir été transférée dans un zoo, où elle est décédée. Avant d’apprendre sa mort, Burbano Proaño avait intenté une action en justice pour récupérer Estrellita, en invoquant devant le tribunal, la probable détresse qu’elle ressentait, ayant été arrachée à un environnement qui lui était familier.
Les juges ont reconnu que les autorités avaient violé les droits d’Estrellita, mais ont également estimé que la bibliothécaire était coupable d’avoir retiré l’animal de la nature en premier lieu. Le tribunal a alors proposé qu’une nouvelle législation soit élaborée pour mieux faire respecter ces droits à l’avenir.
« La domestication et l’humanisation des animaux sauvages sont des phénomènes qui ont une grande incidence sur le maintien des écosystèmes et l’équilibre de la nature, car ils provoquent le déclin progressif des populations animales » a souligné le tribunal dans son arrêt.
Afin de faire valoir des droits à Estrellita, la défense s’était appuyée sur des preuves scientifiques de la complexité cognitive et sociale des singes laineux. L’objectif était de démontrer que l’animal devrait pouvoir jouir d’un droit à la liberté corporelle.
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