La dépigmentation volontaire, un manque d’estime de soi 

Annelie Noel
Par Annelie Noel
source image : actu chretienne cote d'ivoire

La beauté occupe une place prépondérante dans la vie humaine, car le corps est le symbole de l’identité qui renvoie une image de soi. Cependant, face à un manque d’estime de soi, et un complexe d’infériorité, la dépigmentation volontaire de la peau est devenue aujourd’hui une pratique très courante chez les noirs, particulièrement les femmes, à travers le monde. Ces dernières ayant une peau hyperpigmentée, utilisent des savons, lotions, gels et des crèmes blanchissants à base d’hydroquinone visant à détruire leur mélanine et sont le plus souvent inconscientes, mal ou non informées sur l’utilisation des produits, et ne se remettent pas en question sur les causes de cette pratique.  

La dépigmentation volontaire de la peau est un mécanisme récurrent particulièrement dans des pays anciennement colonisés, utilisée par des Noirs pour modifier leurs apparences. Elle est, en effet, une pratique à partir de laquelle une personne cherche à faire disparaître la pigmentation physiologique de sa peau. Dans le langage courant, on fait usage de beaucoup d’autres termes, souvent connotés et péjoratifs : Bòdifil, Grimo, Grimèl, ansyen black, Boby-store, Doukoman pour se référer à cette pratique. 

Certains se posent la question, pourquoi les personnes à la peau noire se dépigmentent-elles ? Quels sont les facteurs susceptibles d’expliquer pourquoi elles sont prêtes à mettre leur santé en danger par l’usage de cosmétiques et d’autres moyens visant à éclaircir leur peau ? 

Selon les recherches, la honte de l’homme à peau foncée rentre dans l’histoire depuis l’essor de l’esclavage dans l’Europe des temps modernes, le Moyen-âge chrétien ou l’Antiquité égyptienne. De plus, le blanchissement ou la dépigmentation de la peau est née dans les années 60 aux Etats-Unis dans la communauté noire. 

Les raisons qui peuvent pousser une personne à la peau noire à se dépigmenter sont nombreuses, parmi lesquelles figurent la question d’identité sociale, le rejet et un besoin d’acceptation sociale, un complexe d’infériorité entre autres. La majorité des femmes noires pense qu’avoir une peau claire est synonyme de beauté. C’est sans doute pourquoi bon nombre d’entre elles, applique des crèmes de dépigmentations. Pour ces dernières, les hommes préfèrent plus les femmes aux peaux plus claires. Ainsi, pour mieux plaire, elles pensent qu’elles doivent se blanchir la peau. 

L’idée selon laquelle les hommes préféraient les femmes à peau claire, semble courante dans plusieurs sociétés anciennement colonisées. En effet, « selon la croyance populaire, les hommes Noirs préfèrent les femmes à la peau claire. Ainsi, le désir des femmes noires de faire plaisir à leurs partenaires noirs les conduit à se dépigmenter », affirme Hunter cité par Bordeleau (2012, 15). Dans ce même ordre d’idée, Emeriau (2009, 115) souligne qu’au sein de certaines populations africaines, la peau claire sert de référence esthétique. M’bemba N’doumba (2004, 11), pour sa part, ne laisse aucun doute sur le fait que certains hommes encouragent leurs femmes à utiliser des produits dépigmentant. Il illustre cela à travers le témoignage du dermatologue français, Eric David Aumjaud, spécialiste en peau noire à Paris : de nombreuses femmes noires qui cherchent à se blanchir expliquent que ce sont leurs époux qui les forcent à éclaircir leur peau parce qu’ils préfèrent les femmes à la peau claire. Dans le cas d’Haïti, le docteur Yolène Bijoux cité par Le Nouvelliste (2012) souligne que la justification fondée sur la préférence des hommes pour les femmes à peau claire est récurrente. 

 Selon Zahan (1990) cité par Emeriau (2009, 113) « chaque couleur dépasse l’ordre du visuel, car elle est investie d’un caractère positif ou négatif selon le référentiel chromatique d’une population. » Le Noir, selon l’auteur, est caricaturé par un ensemble de caractéristiques grotesques et grossières : « Les lèvres rouge sang, la bouche énorme, amplement ouverte, grimaçante, la langue souvent pendante, le sourire aux nuances carnassières, les yeux exorbités d’une blancheur luminescence, donnent au contentement exacerbé du personnage une nature bestiale et diabolique, rappelant en cela l’archaïque imagerie cannibalisme » (Delporte, 2006, 76). 

Selon Delporte, cette forme de représentations dans les affiches et dans les dessins, c’était pour démontrer l’infériorité du Noir face au Blanc. De telles manières que « la laideur du Noir, adulte ou enfant, rend plus éclatante la beauté du Blanc ». Pour les occidentaux le Blanc se diffère du Noir par sa beauté, sa puissance morale et intellectuelle, par son harmonie physique comme par son ingéniosité et son goût de l’effort. Le Blanc représente la civilisation opposant au Noir qui est le symbole de sauvagerie et de laideur. Mais il semble que la plupart des Noirs internalisent profondément cette caricature grotesque, tentant de se débarrasser de ses propres caractéristiques physiques pour s’approcher du Blanc. 

Par ailleurs, les scientifiques révèlent que l’utilisation de ces produits constitue une menace grave pour la santé, et peut entraîner des conséquences graves sur la vie de ces personnes. Malgré tout, ils sont faciles à se procurer que ce soit au niveau des supermarchés, dans des boutiques, sur Internet entre autres. De même, ces produits provoquent de l’hypertension artérielle, le diabète, empêchent la peau de se suturer, favorisent l’apparition de vergetures, de taches noires, d’infections virales, de boutons d’acné, de cancers de la peau. Ils sont extrêmement dangereux pour la santé et peuvent causer des maladies comme : les corticoïdes, l’hydroquinone, le glutathion entre autres. 

Notons que le pouvoir du blanchiment de l’hydroquinone fut découvert sur des ouvriers travaillant dans le milieu du textile (fabrication de jeans) et du caoutchouc. On utilisait ce produit pour délaver les jeans et comme antioxydant sur le caoutchouc.  

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Originaire de Port-au-Prince. Diplômée en communication et en hôtellerie. Elle est une journaliste motivée, attentive, dynamique et rigoureuse. Elle s'accroche beaucoup à son métier de journaliste.